Réalisée alors que Charles Fréger est encore étudiant aux Beaux-Arts de Rouen (dont il sort diplômé en 2000), la série Pattes blanches prend pour cadre l’Ecole Nationale d’Industrie Laitière et de Biotechnologies, située en France, à Poligny, dans le Jura.
Ce travail, effectué sur deux années scolaires de l’établissement, délimite nettement le territoire que le photographe choisit d’investir dès le début de sa pratique et qu’il arpentera largement au cours des dix premières années. Ce territoire, c’est celui du portrait, réalisé en milieu d’apprentissage, en l’occurrence ici professionnel, et de l’interrelation entre l’individu et le milieu qu’il s’est choisi. Interface entre eux deux, l’uniforme, qui atteste l’appartenance au sein de la communauté d’élection, est le fil rouge qui traverse l’œuvre. Lui est logiquement appliquée la forme de la série, soit un cadre formel se superposant au cadre communautaire et permettant de pointer ressemblances et dissonances. Voici donc les prémices d’un vaste corpus que le photographe rassemblera sous un intitulé explicite, par lequel il définit encore aujourd’hui sa pratique (regardez c’est là en –dessous de l’ours photographe sur votre gauche) : Portraits photographiques et uniformes.
Ces jeunes femmes et hommes, blouses, charlottes et gants blancs en place, apprennent à travailler les fermentations lactées. Pour les photographier, Charles Fréger applique un protocole : installe trépied, flashs et parapluies, dispose le sujet dans son milieu parmi ses machines et instruments, et compose, leur corps parallèle au sien, en plein pied ou en buste. Dans ce cadre de travail, strict, que le photographe s’est assigné, il déploie déjà une attention pour les matières : peau laiteuse, carrelage immaculé, aluminium brossé et tablier blanc réfléchissent sa lumière et se répondent l’un l’autre.