Réalisé à Cherbourg, L’Arsenal répond à une commande du Centre Photographique de Cherbourg-Octeville sur le recensement photographique des tenues présentes sur site. Charles Fréger est alors déjà familier de la chose militaire : encore étudiant, il photographiait de jeunes marins à bord du bateau école le Jeanne d’Arc ou encore à bord d’un remorqueur, tous deux amarrés dans le port de Rouen. Plus tard, il y a eu Camouflages et enfin Légionnaires. D’autres, dont la plus ample Empire, suivront. L’Arsenal présente les portraits de militaires et d’ouvriers de la DCN (affectés à la construction de sous-marins). La nature du site induit un cadre de prise de vue restreint : aucun plan large n’est permis afin d’exclure du champ tout élément confidentiel. Si, ainsi limité, il est impossible au photographe de placer l’individu dans un contexte, il peut, fort de cette contrainte, se concentrer sur la personne dans l’uniforme. L’environnement en question, pesant habituellement de tout son poids sur le corps de l’individu, desserre son emprise l’instant de la photographie. Evacué, il reste à l’homme de venir occuper la première place qui lui est donné, au-delà de l’Arsenal, au-delà de son fonction. Là, un homme ajuste son vêtement ; ce motif du point de passage entre deux identités, du moment où l’on revêt l’uniforme comme seconde peau reviendra à plusieurs reprises dans des séries ultérieures.