Comme une suite en musique qui alterne mouvements lents et vifs, danses joyeuses ou pièces plus sévères, mais toujours dans la même tonalité qui garantit son unité, la Suite Basque qu’a créée Charles Fréger est une même variation photographique sur la silhouette : chacune des six séries qui la constituent, « compose » des images avec la forme en contre-jour, en ombre. Charles Fréger montrait déjà son intérêt pour la silhouette dans la série Wilder mann qu’il a fait accompagner peu à peu, dans son livre et les expositions, de grandes silhouettes noires des masques photographiés. Comme si les paysages et les détails exotiques de ses photographies, détails qui signaient en partie leur originalité, devaient pour lui, peu à peu se perdre, se fondre. Pour ne devenir que contours et forme noire qui, in fine, suffiraient à donner le sens des personnages et de leur présence. Leur silhouette, simple et essentielle, condenserait alors ce que l’on pourrait nommer l’âme du modèle.
Les photographies de cette nouvelle Suite basque, ensemble, interrogent ce pays si singulier qu’est le pays basque. Les personnages des Pastorales, des histoires de voyageuses, des récits de faits historiques terribles qu’a photographiés Charles Fréger, jouent tous un rôle, font partie d’un théâtre. Ils « portent » un costume, une personnalité, pour incarner un héros de la geste basque. Le choix de Charles Fréger de les photographier en contre-jour, silhouettes dans l’ombre, prend son sens. Au fil des séries, il joue avec son medium, ses qualités et ses variations, en se délectant de ses potentiels : figures ombreuses et grises où se devinent quelques couleurs subtiles, inversion en négatif des silhouettes blanches, noir profond des profils découpés… La photographie de Charles Fréger interprète, donne sa voix propre. Sa Suite basque se met en place, unique et musicale.