Bretonnes

En quelque vingt années, Charles Fréger s’est imposé comme le portraitiste des communautés, dans leurs dimensions collective et individuelle, dressant par le biais de l’inventaire photographique, des typologies de manières d’habiter, pour les individualités qui la composent, sa communauté d’héritage ou d’élection. Signe visuel d’appartenance et de ralliement, l’uniforme, sinon le costume, du plus protocolaire au plus « sauvage » , constitue le motif central de son œuvre.

Pour ce nouvel opus, le photographe français a parcouru un territoire clairement défini, soit les frontières géographiques de la Bretagne historique, dans lequel il a installé un cadre, celui d’un filtre grandeur nature donnant cette texture particulière à ces images. L’inventaire ici dressé est celui des coiffes bretonnes. Des jeunes filles coiffées de coton amidonné et de dentelle, de travail ou de cérémonie, posent devant ce fond, planté en plein champ, sur le flan d’une église de campagne ou solidement arrimé sur un plateau venteux de bord de mer. Derrière elles, souvent, s’affairent leurs paires, enfants ou mères, cousines  ou amies, maintenues à distance dans une brume cotonneuse. Dans ce constant aller-retour entre le particulier et son tout, si caractéristique de l’œuvre de l’artiste, les photographies sont tout à la fois portrait et scène de genre, et rassemblent dans un même cadre, tant le détail d’une dentelle ouvragée que les contours monumentaux d’une silhouette. Charles Fréger propose de poursuivre la tradition de l’imagerie de la bretonne, brassant dans ses compositions des influences de la peinture réaliste du dix-neuvième siècle, de celle des Nabis, jusqu’aux mises en scène des cartes postales d’entre-deux guerre.

Portraits à quatre épingles pour des femmes fières et bien de leur époque. Voici ce que Bretonnes affirme, par l’ampleur de l’entreprise photographique déployée, un manifeste qui résonne au-delà des frontières de cette seule région : la vitalité et la contemporanéité de traditions que l’on aurait trop vite fait de remiser au rang de folklore. À regarder l’œuvre de Charles Fréger, on se piquerait même de l’idée que la mondialisation, loin d’en avoir la peau, ait renforcé ce désir humain de « faire corps ».