Réalisée dans l’immédiate suite de Wilder Mann, motivée par une commande de l’ambassade de France aux Philippines et le musée Niépce de Chalon sur Saône pour le premier festival de photographie aux Philippines à Manille, cette série prolonge le travail
de Charles Fréger sur la mise en scène de silhouettes. Ces « reines de Cebu » défilent habituellement dans le contexte du festival dit du « Sinulog » de cette île des Philippines, célébrant le Santo Niño. Le « Sinulog », dont le nom évoque le flux et reflux de l’eau, est cette danse pratiquée lors du festival ; le Santo Niño quant à lui aurait été introduit selon l’histoire de Cebu en 1521, par Magellan lui-même, et serait donc le tout premier symbole catholique apparu sur l’île.
Charles Fréger leur fait porter ici à bouts de bras cette idole allant parfois jusqu’à oblitérer le visage du modèle et transformer le saint en masque. La reine, ainsi photographiée hors festival, hors procession, devient alors cette curieuse silhouette dont on ne saurait tracer clairement l’origine. Oscillant entre procession religieuse et carnaval brésilien, cette manifestation traduit le syncrétisme à l’œuvre dans le culture philippine. Charles Fréger guide les modèles vers une gestuelle de pantomime ; le corps semble contraint par ces corsets, ballons et arceaux, il est partie d’un tout, se prolongeant jusque dans la statuette brandie, jusqu’à former cette ample silhouette sculpturale.