Orange Order

Irlande du Nord, 2008

Des hommes en costume cravate, coiffés d’un chapeau melon, portant le sabre, le torse toujours bombé derrière une écharpe orange : ce sont les orangistes, membres de l’Orange Order. Fraternité protestante d’Irlande du Nord, l’ordre orangiste s’organise en loges. Deux d’entre elles accordent à Charles Fréger la permission de les photographier : The Lodge et The Field. Pour la première, il choisit de réaliser ses portraits au sein de la loge, se concentrant sur les maîtres de loge. Leurs silhouettes noires se détachent sur un mur pâle ; aucune indication ne traverse l’image quant à la nature du lieu, si ce ne sont ces photographies de peintures qui ponctuent les portraits. Entre deux orangistes, on observe l’irruption d’un homme de clergé, livre sacré à la main. A cette peinture à la surface brune émaillée de craquelures succède une autre image peinte, de facture plus naïve, extraite de ces bannières portées lors des processions. Elle présente un cavalier, que l’on retrouvera plus tard, il apparaît sur sa monture, sabre au poing, traversant une rivière. Voici donc le héros : Guillaume d’Orange ou Guillaume III d’Angleterre, Prince d’Orange, farouche opposant au droit des catholiques et à leur émancipation, tout comme à l’éventualité de l’indépendance du pays vis à vis de la Couronne d’Angleterre. Contrepoints à la neutralité de ces premiers portraits, ceux de la loge The Field sont réalisés à l’occasion de la procession annuelle du 12 juillet, tristement célèbre pour les multiples affrontements entre protestants et catholiques qui l’accompagnent à échéance régulière. Le défilé commémore la bataille de la Boyne, remportée en 1693 par Guillaume d’Orange contre Jacques II, soutenu par Louis XIV, parti reconquérir le trône d’Angleterre. Ici, le vert de la campagne humide est partout, les tenues toujours de noir, de blanc et d’orange et les pelouses tondues rases. C’est là qu’ils terminent leur procession, l’achevant par un pique-nique. On retrouve d’autres gros plans sur des bannières et leurs figures héroïques. Le photographe ici, comme dans sa précédente série Merisotakoulu consacrée à la marine finlandaise, met en abyme la représentation du groupe choisi en intégrant l’iconographie de la fraternité au sein de son corpus d’images. Car ici, le « faire corps » passe, au-delà de l’uniforme, par le culte de l’image du héros, retrouvée en plusieurs occurrences, sur les murs, les bannières mais également sur les corps, sous forme de tatouages.