Opera

C’est là le premier voyage en Chine du photographe, il y retournera deux fois encore dans le cadre de la série Opéra. Gagnant l’accès à plusieurs écoles de l’Opéra de Pékin, il constitue d’abord une galerie de portraits d’élèves vêtus des tenues utilisées pour l’apprentissage : vêtements anciens, à l’allure et à la confection brutes, en toile rouge brune. Il y a dans ces photographies d’élèves inscrits dans un environnement dépouillé, où nulle modernité ne semble avoir passé la porte, les traces d’une Chine aujourd’hui révolue. Le caractère sommaire de l’habit l’amène à concentrer son attention sur la silhouette en pied, sur les attitudes du corps et le déploiement de sa gestuelle dans l’espace. Se dégagent alors d’un fond neutre des figures monumentales et massives, le dos orné de piques élancées supportant des drapeaux, les mains contorsionnées et doigts levés suivant, imagine-t-on, un répertoire codifié. Leur succèdent ensuite les portraits d’enfants maquillés, habillés du costume de leur personnage. Le photographe graduellement se rapproche, du plein pied il passe au buste pour ne retenir que le visage, entièrement maquillé et ceint dans la complexité de ces atours. Les lignes du maquillage ouvragé se mêlent aux dessins des broderies du vêtement et les couleurs se répondent jusqu’à atteindre le sommet de la coiffe, couronnée de pompons. Le photographe choisit de parcourir ce labyrinthe de correspondances formelles, de capter les échos entre telle et telle couleur ou matière, conscient qu’il est de son incapacité à comprendre le langage symbolique de ce qui se joue devant lui. Cet hermétisme du sujet le pousse à revenir encore et encore. De sa volonté de comprendre et gagner cet autre cercle que constitue l’Opéra, découle un geste artistique qui s’inscrit dans le prolongement des performances menées avec la série Empire : il revient une dernière fois, en 2009, pour assister à la fabrication du costume du général Lu Quan Ren, le personnage qu’il s’est créé. Ainsi vêtu, il réalise l’enchaînement de mouvements presque guerriers de son personnage. C’est ici un autre volet de sa performance Vis Voluntatis qui se déploie.