Maul

2005

Avec cette série, Charles Fréger retourne sur ses pas réexaminer le terrain photographique défini par la série Water-polo. Les joueurs sont cette fois des rugbymen, saisis, comme leurs prédécesseurs, au sortir de l’entraînement. On retrouve la jeunesse, et la fatigue. Eux aussi portent le casque, cette fois complété par un protège-dents. Le torse est revêtu d’un maillot aux couleurs du club – bleu, blanc, vert –, découvrant une tache centrale de transpiration à géométrie variable. Depuis Water-polo, cinq ans ont passé, au cours desquels il a réalisé plus de vingt séries, dont certaines, telle Empire ou Rikishi, ont initié un tournant dans la démarche artistique : rupture avec la frontalité stricte, interaction accrue avec l’environnement, mise en abîme de l’imaginaire du sujet (par l’inclusion dans la photographie de représentations peintes par exemple), et recherche active de la part du photographe d’accéder à l’intérieur du cercle de la communauté photographiée. Maul, avec sa galerie de portraits frontaux, bustes devant le mur du vestiaire, constitue dans ce contexte une sorte de retour aux fondamentaux. Si certaines séries peuvent être assimilées, par leur ampleur, au concept de campagne ou de mission photographique, Maul se présente comme un ensemble concis, réalisé au pas, suivant la cadence rapide imposée par le défilement des jeunes garçons dans le vestiaire. La série s’affirme alors telle une incursion éclair en territoire familier destinée à vérifier que les balises posées au cours des dernières années sont toujours là. L’exploration de nouveaux territoires, plus amples et au relief plus escarpé, ralliant la performance de soi et la parade théâtrale, peut désormais se poursuivre.